En prévision à une éventuelle rupture des livraisons du gaz russe, la Belgique s’est approchée du Nigeria en juillet dernier. Et Lagos a fait la promesse d’envoyer de grandes quantités de Gaz naturel liquéfié (GNL) à l’Europe. Pour cela, un investissement de 20 milliards de dollars est prévu dans le développement d’un gazoduc transsaharien et d’un autre gazoduc Nigeria-Maroc qui bénéficiera d’un investissement entre 12 et 18 milliards d’euros.
Le Nigeria est l’un des principaux producteurs de pétrole et de gaz sur le continent. Selon l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (opep), sa production journalière est estimée à 1,27 million de barils par jour (mars 2023). Sans oublier le gaz naturel liquéfié qu’il produit : en 2021, le Nigeria a produit 45,9 Gm3 (milliards de m3) de gaz naturel, soit 1,65 EJ (exajoules), en recul de 6,9 % par rapport à 2020, mais en progression de 26 % depuis 2011. Il y a 3 ans, le pays produisait 21,3 % de la production de gaz de la région. Il se classe au 17e rang mondial avec 1,1 % de la production mondiale. La production de pétrole et de gaz constitue donc une grande ressource pour le pays. Elle représente environ 95 % des exportations du pays et 75 % des revenus du gouvernement.
Depuis le déclenchement du conflit entre la Russie et l’Ukraine en février, l’Europe s’est tournée vers les grands producteurs africains de gaz. Cette démarche vise à réduire sa dépendance à l’égard de l’énergie russe. Sur le continent, il est établi que le Nigeria et l’Algérie sont les plus gros fournisseurs africains de gaz naturel liquéfié. Le premier pays cité est même courtisé par la France, l’Italie, le Portugal et l’Espagne. Ceux-ci veulent renforcer leur coopération dans le secteur de l’énergie avec la première économie d’Afrique.
Pour cela, un investissement de 20 milliards de dollars est prévu dans le développement d’un gazoduc transsaharien qui passera par le Niger et l’Algérie. Il est le fruit d’un partenariat tripartite impliquant le Nigeria, le Niger et l’Algérie, engagés dans un mémorandum depuis fin juillet 2023. Il est long de 4 100 kilomètres. A cela s’ajoute un autre projet gazoduc Nigeria-Maroc, long d’environ 6000 km qui bénéficiera d’un investissement entre 12 milliards et 18 milliards d’euros. Il traverse plus d’une dizaine de pays africains dont la Côte d’Ivoire.
Gaz nigérian : avantages d’un parcours terrestre
Le gaz nigérian s’achemine(ra) vers l’Europe via la voix terrestre. Les avantages majeurs de ce mode de transport sont multiples. Selon Younes Maamar, un expert marocain en énergie et en développement, interviewé par l’agence de presse officielle marocaine, MAPNews, en 2022, c’est une grande opportunité pour stimuler les économies de ces pays traversés par le gazoduc. A en croire, l’Expert marocain, ces pays concernés auront également la possibilité de développer leur propre potentiel géologique : développement de l’industrie, les infrastructures gazières et autres seront dynamisés et commenceront à fonctionner plus efficacement. De plus, disposé d’un pipeline, chaque pays sera en possession d’une taxe de transit qui encouragera le financement et la circulation des citoyens entre les territoires. Le coût du gaz sera certainement à moindre coût pour la consommation domestique et industrielle.
Le pays va vendre encore plus de gaz naturel liquéfié grâce à la destination européenne. Sur ce parcours, les pays ayant des réserves de gaz pourront également l’exporter en le mettant dans cette canalisation et le vendant à d’autres pays africains, et ceux qui n’ont pas de gaz pourront l’importer via ce gazoduc pour alimenter leurs centrales thermiques.
Un autre avantage important, c’est la création d’emplois à travers la construction du gazoduc ; quand on sait que le taux de chômage est important dans la plupart des pays africains.
Gaz nigérian : Risques d’un parcours terrestre
Il est de toute évidence que le transport terrestre du gaz sera confronté à un principal risque lié aux nombreux groupes armés terroristes bien implantés sur le passage du Gazoduc. Boko Haram et l’ISWAP au nord du Nigeria, le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (MEND) au sud, Aqmi et le groupe Etat islamique au Niger, pour ne citer que ces groupes, sont autant de dangers sur le parcours.
«Grande vulnérabilité aux attaques djihadistes » de la zone sahélienne et à l’hostilité « de communautés locales si elles ont la sensation d’être exploitées pour un projet dont elles ne tirent aucun avantage », prévient, pour sa part, le chercheur américain Geoff Porter, président du North Africa Risk Consulting Narco.
Autre risque, l’Europe, qui cherche à se libérer du gaz russe, pourrait ne pas accepter « une dépendance forte à un seul fournisseur », pense-t-on.