Pensant pouvoir apaiser Donald Trump, Bruxelles a proposé d’acheter davantage de gaz naturel liquéfié (GNL) américain. L’idée semblait logique, mais elle s’est rapidement heurtée à l’indifférence de Washington et à une complexité bureaucratique paralysante.
Une offre ignorée
Lorsque Trump a menacé l’Union européenne de nouvelles barrières douanières, les responsables européens ont tenté d’agir vite. Leur proposition ? Accroître les achats de gaz américain, un signal fort destiné à calmer les tensions commerciales. L’UE importait déjà massivement du GNL en provenance des États-Unis, notamment depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, qui avait poussé l’Europe à se détourner du gaz russe. Les importations de GNL américain ont presque triplé, atteignant même des records récents. Mais malgré ces efforts, les relations se sont tendues. Trump a tout de même choisi d’aller de l’avant avec ses tarifs douaniers.
Dialogue bloqué côté américain
Selon des diplomates européens, les discussions avec l’administration américaine n’ont jamais vraiment démarré. Les négociateurs de l’UE faisaient face à une désorganisation importante à Washington, où des postes clés étaient encore vacants plusieurs semaines après l’entrée en fonction de Trump. Pire encore, la Maison-Blanche semblait préférer des contacts directs avec les capitales européennes plutôt qu’avec Bruxelles, pourtant compétente en matière de politique commerciale. Certains États membres comme la France, l’Allemagne ou l’Italie ont donc tenté de négocier individuellement, sans succès tangible. Deux représentants nationaux ont affirmé avoir proposé des achats supplémentaires de GNL américain, mais sans recevoir d’indication claire sur les modalités ou les contreparties attendues.
Des limites internes côté européen
Au sein de l’UE, certains pays faisaient déjà tout ce qu’ils pouvaient. L’Allemagne, par exemple, importait déjà 90 % de son GNL des États-Unis, selon l’ancien vice-chancelier Robert Habeck. D’autres États ont mis en garde contre un accord énergétique qui compromettrait les engagements climatiques européens. Le ministre finlandais de l’Énergie, Kai Mykkänen, a rappelé que l’objectif était de sortir des énergies fossiles, pas d’en importer davantage.

Malgré ces voix critiques, la Commission européenne a continué à explorer des options. En février, elle a proposé des contrats à long terme avec les fournisseurs américains pour faire baisser les prix de l’énergie, allant jusqu’à envisager un soutien indirect à l’infrastructure gazière américaine. Une décision qui a immédiatement suscité la colère des écologistes, inquiets de voir l’UE s’enfermer encore davantage dans une dépendance aux énergies fossiles.
Les marchés avancent, Trump reste sourd
En dépit de l’impasse diplomatique, les dynamiques du marché rapprochent de fait l’Europe et les États-Unis. Les experts prévoient que les importations de GNL américain vont encore augmenter en 2025, non pas pour des raisons politiques, mais parce que l’UE doit reconstituer ses réserves après un hiver long, froid et marqué par des problèmes d’approvisionnement depuis la Russie. Les nouvelles infrastructures américaines de liquéfaction, notamment en Louisiane et au Texas, permettent aujourd’hui de répondre à cette demande croissante. En mars, l’UE a importé un volume record de 5,59 millions de tonnes de GNL en provenance des États-Unis.
Le gaz américain écoulé en Europe
Les exportations de GNL des USA vers l’UE en tonnes :

Source: Kpler
Mais tout cela semble peu peser dans la balance. « La vraie question, c’est : peut-on prendre ces menaces de tarifs au sérieux ? », se demande Ajay Parmar, analyste chez ICIS. Selon lui, Trump pourrait simplement utiliser ces mesures comme levier de négociation. Pour l’heure, cependant, aucun signal ne laisse penser qu’il est prêt à écouter les propositions européennes. Résultat : l’Europe, malgré ses efforts, se retrouve à nouveau exposée à des tensions commerciales majeures sans certitude sur ce qui pourrait réellement convaincre Washington.